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Le coup de gueule de la Samir

Entreprises mai 2012

Le coup de gueule de la Samir

Pour la Samir, le climat des affaires dans le secteur des hydrocarbures est malsain. La preuve est que son PDG n’a pas manqué de le rappeler, à chaque fois, lors de l’annonce des résultats 2011 du Groupe.

La Samir a enfin réussi à résorber ses pertes financières de 2010! Une performance que le raffineur doit à l’appréciation du prix du baril qui a enregistré une moyenne de 109 dollars en 2011, alors qu’il était à 80 dollars en 2010. En effet, le raffineur a affiché un chiffre d’affaires de 49,7 milliards de dirhams en appréciation de 34,4% par rapport à l’exercice précédent. «Mais cette reprise n’a pas pu donner un effet sur ses performances au niveau de la Bourse de Casablanca puisque la valeur n’a pas vraiment été prisée au cours de l’année 2011», assurent d’emblé eles analystes de la place.

Un trend baissier
Le prix de l’action Samir en 2011 a enregistré deux pics, 785 et 548 dirhams. Au 31 décembre, le prix de l’action était de 730 dirhams. Sur le long de l’année les prix de l’action se sont maintenus en baisse. «L’analyse de l’historique de la valeur démontre que le prix de l’action n’a jamais dépassé les mille dirhams depuis les trois derniers exercices et a varié entre 550 et 850 dirhams l’action», note un analyste financier. D’ailleurs, l’action continue sur un trend baissier cette année. A partir de janvier 2012, le prix de l’action a augmenté jusqu’à la première semaine de février pour enregistrer une valeur de 798 dirhams. Le 20 avril, au lendemain de la conférence sur les résultats, le cours de l’action, qui était de 570 dirhams, a fini sa journée à 540 dirhams. Bien que la Samir ait renoué avec les résultats probants, les investisseurs n’ont pas confiance en la valeur. Le comportement boursier est complètement décalé de la réalité des chiffres.
Néanmoins, l’exercice 2011 semble bénéfique pour les filiales du groupe la Samir, mais les résultats consolidés restent mitigés. Les volumes de ventes (marché local et exportations) du Groupe ont ainsi augmenté de 5% par rapport à l’exercice précédent, réalisant un chiffre d’affaires de 49,7 milliards de dirhams, en augmentation de 34%. Ceci résulte de la hausse des cours des marchés pétroliers internationaux, dont le prix moyen de vente a augmenté de 30%. Côté fondamentaux, le résultat d’exploitation a enregistré une baisse de 28% à cause de la baisse des marges qui sont passées de 2,33 dollars le baril en 2010 à 0,65 dollar en 2011. Le Groupe estime que la baisse drastique des marges de raffinage, suite à la période de récession que connaît l’Europe, a impacté le Groupe par une baisse de 750 millions de dirhams par rapport à 2010. L’EBE (L’excédent brut d’exploitation), quant à lui, s’est déprécié par la même occasion de 22,8% et la marge d’Ebitda a été réduite de 2,3 points.

Amélioration des marges
Mais le marché de raffinage est assez particulier. En effet, même si le prix du pétrole à l’international peut être préjudiciable pour un raffineur s’il est très élevé, il peut aussi être bénéfique. «La volatilité des prix impacte les résultats de la Samir, c’est sûr, mais il arrive que l’entreprise fasse du bénéfice même avec des prix élevés», rappelle un analyste. En effet, la Samir s’approvisionne en pétrole à partir de l’Iraq et de l’Arabie Saoudite. Elle achète au prix indexé sur la Bourse le Rotterdam, le temps que le convoi arrive au Maroc, il peut s’écouler jusqu’à deux mois. Mais lorsque l’entreprise facture son pétrole à l’Etat, elle le fait sur la base du prix de baril quinze jours auparavant. Des bénéfices peuvent êtres réalisés entre-temps. Néanmoins, le plus important, c’est la marge entre le prix du brut et le produit final raffiné. Ces marges sont au centre d’occupation de l’entreprise depuis sept années. La Samir est rentrée dans un processus de modernisation important depuis 2005, en annonçant le projet d’adoption du procédé d’hydrocrackage dans sa centrale de Mohammedia pour moderniser les processus de raffinage, obsolète à l’époque par rapport à d’autres raffineries dans le monde. Annoncé en 2005, puis commencé en 2007, le projet n’a finalement démarré qu’en 2010. «Avec la mise en marche de l’hydrocrackeur fin avril 2010, on s’attendait à une amélioration de la marge du raffineur en améliorant la qualité des produits à plus haute valeur ajoutée comme le jet et le gasoil. Mais l’année 2011 n’a pas démontré d’impact, et la marge est restée basse», note notre analyste. «N’oublions pas que la Samir réalise toutefois une marge supérieure aux autres raffineurs dans le monde, grâce à une subvention accordée par l’Etat marocain au raffineur, équivalant à 2,5% du spot à l’international», rappelle un autre analyste financier de la place. Ainsi, la Samir réalise aujourd’hui une marge entre 7 et 8 dollars, tout en visant de réaliser une marge de 9 dollars d’ici 2014. Si le raffineur national Samir tire son épingle du jeu malgré tout, il reste fortement impacté par sa santé financière, qui est pénalisée par les banques.

«Face à la concurrence des importations, la Samir estime qu’il y a un manque à gagner pour le Groupe estimé à 500 millions de dirhams»

Les banques ne soutiennent pas
La pression exercée par les banques et l’insuffisance des lignes de crédits ont ainsi concouru à la baisse de régime de certaines unités du Groupe (cf .Economie &Entreprises, édition mars 2012). D’ailleurs, le PDG Jamal Ba-Amer n’a pas manqué de le rappeler à chaque fois qu’il s’agissait de perspectives d’investissements. En effet, les crédits contractés à court terme sont insuffisants pour financer les besoins d’exploitation du Groupe. D’ailleurs, le résultat net de 2011 a baissé de 48% à cause justement des impôts et les prix élevés du brut. «Si les banques refusent de convertir la dette à court terme, ce qui est tout à fait normal, c’est surtout à cause du taux d’endettement élevé de l’entreprise», explique un de nos analystes. Le problème de la Samir est que les institutions financières auprès desquelles elle a des crédits ont posé des conditions pour convertir sa dette court terme en une dette long terme. L’échéancier se trouve ainsi au désavantage du groupe. D’ailleurs, celui-ci annonce que le lancement des projets Topping 4, sera le dernier investissement pour l’année 2012. «La Samir est arrivée à une limite où il faut dire stop à la pression des banques dans un secteur sensible», dénonce le PDG du Groupe. Pour pallier ce manque de liquidité, le conseil d’administration de la Samir a proposé une augmentation de capital de 1,75 milliard de dirhams. Mais cet objectif de renforcer les finances de l’entreprise se heurte à un flou dans la position du régulateur du marché pour définir si cette augmentation se fera avec droit préférentiel ou pas. L’opération demeure très compliquée et les négociations continuent. Une réunion de l’assemblée générale extraordinaire est programmée pour le 3 mai pour statuer sur la question. D’un autre côté, le 9 avril, la Samir a signé une convention-cadre de type Mourabaha d’un montant de 108 millions de dirhams avec la Société internationale islamique de financement du commerce (ITFC), membre du Groupe Islamique de Développement. Cette opération porte sur le financement de l’importation du pétrole brut et des produits pétroliers. Cette contradiction entre les performances de l’entreprise et l’attractivité de son action est étonnante mais se justifie. L’historique riche en mauvaises surprises a marqué la valeur Samir au fer rouge. Le scandale du profit warning fait par le Groupe, lors de l’annonce en mars 2009, a secoué la place financière et le flou qui a entouré cette affaire demeure. Si BMCE Capital est la seule société de Bourse qui recommande la valeur Samir à l’achat, les autres restent prudents. Beaucoup d’analystes qualifient la valeur Samir de valeur à haut risque. D’abord parce qu’il s’agit d’un secteur volatil en raison de la variation continue du prix du pétrole fortement impacté par l’offre et la demande. Mais aussi parce que l’entreprise cultive le flou autour de son business model. Cette incertitude se reflète aussi lorsque l’entreprise communique sur ses programmes d’investissement, dont les retombées positives ne se manifestent pas avec certitude.

La Samir prend son mal en patience

La demande nationale, qui est de 580 millions de tonnes, pour une production locale (par la Samir) de 450 millions de tonnes. Le déficit de 130 millions de tonnes devrait être comblé par les importations. La concurrence qu’exercent les distributeurs d’hydrocarbures en important deux principaux produits de la Samir, le gasoil et le jet, réduisent les parts de marché du raffineur. En effet, en 2011, le gasoil a représenté 39% des ventes locales du raffineur, ayant baissé de 4% par rapport à 2010. Pour le jet, à plus grande valeur ajoutée, c’est un recul de 9% des ventes qu’a enregistré le raffineur en comparaison avec l’exercice 2010. Ainsi, mis à part le fioul qui représente 41% des ventes du Groupe et dont la part de marché de celle-ci est de 97%, les autres produits se confrontent à la montée d’activité des distributeurs en matière d’importation. En 2011, les parts de marché national de la Samir dans l’essence, le gasoil, le jet, les bitumes et les huiles de base ont été respectivement de 69%, 51%, 64%, 71% et 75%. Ces chiffres sont révélateurs de la forte présence des produits importés. La Samir estime qu’il y a un manque à gagner pour le Groupe estimé à 500 millions de dirhams. Même si le management de la Samir exprime clairement son mécontentement vis-à-vis de ces pratiques, il reste évasif quant à la démarche qu’il entend entreprendre.

Avis d’analyste

A fin 2011, la Samir affiche des revenus consolidés de 49,9 milliards de dirhams (+34,7%), profitant de l’envolée du cours du pétrole et de la progression de 5% à 7,1 millions de tonnes de ses écoulements, pour un résultat d’exploitation courant consolidé de 1,17 milliard de dirhams (-16,3%, impacté par le repli de la marge de raffinage) et un RNPG de 473,5 millions de dirhams (-35%).
Afin d’équilibrer sa structure bilancielle, le conseil d’administration a décidé de convoquer le 3 mai 2012 ses actionnaires afin de statuer sur une opération d’augmentation de capital à hauteur de 1,75 milliard de dirhams, devenue vitale au regard du niveau d’endettement et des charges financières supportées par la société.
Sur le plan des perspectives, la poursuite de la hausse du cours du pétrole devrait profiter à Samir dont le chiffre d’affaires devrait probablement s’améliorer en 2012. La société pourrait néanmoins continuer à être pénalisée par le niveau plutôt faible des marges de raffinage, dans un contexte de hausse des prix d’achats des matières premières (notamment du pétrole brut), non totalement répercutées sur les prix de vente, en raison de la forte concurrence des produits en provenance de l’importation.
Sur le plan opérationnel, la mise en service prévue en juin 2012 de l’unité de distillation N°4, devrait permettre à la société d’augmenter sa capacité de raffinage de 60%, lui permettant de hisser ses ventes au niveau local et de mieux prospecter à l’export.
Sur le volet commercial, la Samir serait dans l’attente de l’autorisation du ministère de tutelle, pour l’entrée dans la distribution afin d’assurer l’écoulement de sa production.